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DB HENRI III. [l-*74] 109
privé de tout sens et jugement; discours, à la verité, digne de là boutique et du mestier dont on dit qu'a eté premierement ce jesuite basteleur. [Pour en parler sans passion], c'étoit un prélat qui avoit d'aussi grandes parties et graces de Dieu que la France en ait jamais eu ; mais s'il en a bien usé ou abusé, le jugement en est à celui devant le throne duquel il est comparu, [comme nous comparoistrons tous.] Le bon arbre, dit Notre Seigneur, se connoist par le fruit. Ce fruit étoit, par le témoignage même de ses gens, que pour n'être jamais trompé, il faloit toujours croire le contraire de ce qu'il vous disoit.
Ce jour, la Reine mere se mettant à table, dit : « Nous aurons à cette heure la paix, puisque le cardinal oc de Lorraine est mort ;» qui etoit celui, disoit-on, qui l'empéchoit. Ce que je ne puis croire, car c'estoit un grand et sage prélat [et homme de bien], auquel la France et nous tous perdons beaucoup ; et en derriere, disoit qu'en ce jour-là étoit mort le plus méchant homme des hommes. Puis ayant demandé à boire, comme on lui eut donné son verre, elle commença à tellement trembler , qu'il lui cuida tomber des mains, et elle s'écria : « Jesus ! voila M. le cardinal de Loraine que je vois (-). » Enfin, s'étant un peu rassurée, elle dit : « C'est grand «x cas de l'appréhension! Je suis bien trompée si je n'ai « vu passer ce bon homme devant moi pour s'en aller « en paradis; et me sembloit que je l'y voyois monter. » Les nuits aussi elle en avoit des appréhensions, au dire de ses femmes de chambre ; et se plaignoit souvent qu'elle
(-) Foiia M. U cardinal de Loraine que je, vois : elle s'imaginoit le -voira toute heure, lui faisant signe de le suivre. Pendant plus d'un mois, elle n'osa demeurer seule.
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